Zoo ou l'Assassin philanthrope 4,5/5

D'après la pièce de théâtre de Vercors
Textes des Vigies : Dorcy Rugamba
Mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota
Assistante à la mise en scène Julie Peigné
Collaborations artistiques Christophe Lemaire,
François Regnault
Conseillers scientifiques:
Marie-Christine Maurel (biologiste)
Georges Chapouthier (biologiste, philosophe)
Jean Audouze (astrophysicien)
Carine Karachi (neurochirurgienne)
Scénographie Yves Collet, Emmanuel Demarcy-Mota
Lumières Christophe Lemaire, Yves Collet
Musique Arman Méliès
Costumes Fanny Brouste
Son Flavien Gaudon
Vidéo Renaud Rubiano
Maquillages & coiffures Catherine Nicolas
Masques Anne Leray
Accessoires Erik Jourdil
Conseillère littéraire Murielle Bechame
Travail gestuel Claire Richard
Assistant lumières Thomas Falinower
Assistante costumes Véra Boussicot
Réalisation costumes Lucile Charvet, Agathe Helbo
Réalisation masques Rebecca De Monfreid, Marie-Cécile Kolly
Construction décor Espace Et Compagnie
Fabrication des bébés Atelier Cinébébé
Direction technique Olivier Hutteau
Régie générale Cyril Claverie
Régie scène Romain Cliquot
Régie son Flavien Gaudon
Régie vidéo Vladimir Demoule
Habilleuse Séverine Gohier
AVEC LA TROUPE DU THÉÂTRE DE LA VILLE
Mathias Zakhar Douglas Templemore
Ludovic Parfait Goma Juge Draper
Valérie Dashwood Minchett
Marie-France Alvarez Jameson
Sarah Karbasnikoff Ministre de la Justice / Présidente du jury
Anne Duverneuil Sybil Greame
Céline Carrère Professeure Kreps
Charles-Roger Bour Cuthbert Greame
Jauris Casanova Le Père Dillighan, dit « Pop »
Gérald Maillet Docteur Figgins
Stéphane Krähenbühl Docteur Bulbrough / Inspecteur Mimms /
Vancruysen
& LES ARTISTES RWANDAIS
Dorcy Rugamba Vigie (du 23 avril au 3 mai)
Bingo Regis, Weja Viatora Vigies (du 4 au 7 mai)

 

 

 

 Une belle création : la mise en scène est ingénieuse.

 

 Le texte liminaire de Robert Antelme, dit par Dorcy Rugamba, qui ne figure pas dans l'œuvre originale, donne d'emblée l'idée de ce qui va se jouer sous nos yeux : quelle est l'essence de l'homme ?

 

 Cette introduction suscite énormément d'émotions, tant le texte du résistant est fort et l'interprète habité. Les lumières contribuent à créer un climat d'inquiétante étrangeté.

 

 Visuellement, le dispositif est ensuite réellement impressionnant. C'est du grand spectacle. Le théâtre d'ombres, qui fait penser à une bande-dessinée, avec des mouvements en accéléré, est une splendeur. Le petit être inerte, dont on se demande s'il appartient à l'espèce humaine, apparaît sur grand écran et le rendu est d'une beauté saisissante.

 

 Les frontières restent floues. Comment savoir de façon certaine qu'une créature appartient à l'espèce humaine ?

 

 Le thème de l'enfant monstre, de la difformité, de la différence en définitive est abordé de front : j'ai songé au Batman Returns de Tim Burton, où le Pingouin est rejeté en raison de sa constitution biologique... On songe aussi à Edward Scissorhands du même Tim Burton, où il s'agit alors de prince monstre.

 

 La découverte de tropis, lointains ancêtres des hommes selon certains, et le meurtre d'un descendant de tropi et d'humain est au centre d'un procès où le juge, les jurés, presque tous en somme sauf l'accusé, Douglas Templemore, qui s'est dénoncé afin que le procès ait lieu, semblent perdre leur latin.

 

  Cet homme, qui a tué sa progéniture, issue d'une tropiette, est-il coupable d'infanticide ou non ? Le jury est bien en peine de le dire tant l'homme et l'animal sont proches aussi bien sur le plan génétique que psychologique. En fin de compte, le mort est-il un sauvage ou un enfant ?

 

 Le jury mène l'enquête...

 

 Emmanuel Demarcy-Mota renoue avec  Albert Camus en montant et en adaptant ce Vercors où la phrase du philosophe 《 Je me révolte donc je suis》, résonne.

 

 Pour ce qui est de l'état de nature, on pense à Jean-Jacques Rousseau, évoquant l'homme moderne :《 Si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme.》

 

 Avec les masques d'animaux qu'arborent parfois les représentants de la justice, la frontière entre la bête et l'homme s'estompe.

 

 On pense aux classifications, arbitraires par définition,  qui ont permis de justifier l'injustifiable et en particulier l'esclavage et l'épuration ethnique.

 

 Les dangers qui nous guettent, comme l'homme machine, sont évoqués avec finesse.

 

 Savoir qui nous sommes est nécessaire pour reconnaître nos semblables et protéger l'espèce humaine, menacée par le transhumanisme, entre autres.

 

 L'Homo Sapiens Sapiens dont nous sommes issus sait qu'il sait, c'est-à-dire qu'il est doué d'une conscience a priori. Cependant, en voyant certains événements, le doute est permis quant à sa capacité à en faire usage. On en revient à l'avertissement de Rabelais : 《Science sans conscience n'est que ruine de l'âme》

 

 Cette recréation de Zoo ou l'Assassin philanthrope a le mérite de susciter un questionnement philosophique salvateur. 

 

 Il reste des places, profitez-en.

 

 Je vous recommande également la lecture de la pièce de Vercors.

 

 

 

Publié le 24 avril 2024.

Au Théâtre des Abbesses, jusqu'au 7 mai.