Les Poupées Persanes 5/5

D'Aïda Asgharzadeh
Mise en scène : Régis Vallée
Avec Aïda Asgharzadeh, Juliette Delacroix, Kamel Isker, Azize Kabouche, Toufan Manoutcheri, Sylvain Mossot
Scénographie : Philippe Jasko et Régis Vallée
Création lumière : Aleth Depeyre
Vidéo : Fred Heusse
Musique : Manuel Peskine
Costumes : Marion Rebmann assistée de Marie Dumas de la Roque
Assistante à la mise en scène : Mélissa Meyer
Décoratrice : Alissia Blanchard

 

 

 

 

 

  Une belle œuvre sur l'amour et la liberté.

 

 Cette pièce à tiroirs de la dramaturge Aïda Asgharzadeh alterne habilement les scènes en Iran et en France à des époques différentes.

 

 Dans l'Iran des années 1970, nous suivons l'existence d'universitaires qui vivent sous le joug du Shah puis de l'ayatollah Khomeini.

 

 Certains s'insurgent contre ces régimes totalitaires tandis que d'autres se résignent...

 

 À travers l'amour de Bijan et Manijeh, deux êtres qui semblent faits l'un pour l'autre, comme dans le conte persan éponyme, nous sommes témoins de l'asservissement du peuple iranien mais aussi de ses aspirations. Puis nous passons à une autre dimension spatio-temporelle.

 

 Nous suivons alors une famille d'origine iranienne en vacances à Avoriaz et qui s'apprête à célébrer l'an 2000. Nelly et sa sœur Bahar se disputent sous l'œil réprobateur de leur mère.

 

 Le décalage entre les deux régimes est patent mais Aïda Asgharzadeh a volontiers recours à l'humour, ce qui lui permet d'évoquer des sujets graves sans pour autant accabler l'auditoire. 

 

 Même dans les moments les plus tragiques, il y a parfois un ressort comique. 

 

 L'ironie dramatique est également de mise avec l'allusion au Dîner de cons. Toufan Manoutcheri est hilarante en mère qui ne maîtrise pas le français lorsqu'elle utilise à mauvais escient une expression du Dîner de cons ; le comique de répétition est particulièrement savoureux.

 

 Les six comédiens nous font vivre des histoires qui sont assez complexes : les personnages ont une épaisseur psychologique et sont attachants. Beaucoup de thèmes sont abordés avec finesse, comme la fidélité, l'identité ou encore le désenchantement.

 

 Si tous les interprètes jouent leur partition avec brio, on retiendra la performance de Juliette Delacroix qui est une Nelly d'une spontanéité stupéfiante. Elle est d'un naturel déconcertant du début à la fin. On n'a pas l'impression qu'elle joue. 

 

 La mise en scène de Régis Vallée est minutieuse : il a su donner un relief fascinant à la pièce. La succession des tableaux semble aller de soi. La violence est suggérée lors des arrestations et des interrogatoires. Les passages où l'on voit les personnages à des moments différents de leur vie l'espace d'un instant sont rendus avec une grande subtilité et une grâce certaine.

 

 La scène finale est particulièrement émouvante. Toute la maîtrise de Régis Vallée est alors à l'œuvre.

 

 Une pièce profonde et divertissante.

 

 

 

 

Publié le 25 octobre 2023

Modifié le 26 octobre 2023

Au théâtre de La Pépinière jusqu'en janvier.

Photo : David Season