L'Antichambre 5/5

De Jean-Claude Brisville
Mise en scène de Tristan Le Doze


Avec Céline Yvon, Marguerite Mousset et Rémy Jouvin

Lumières : Stéphane Balny
Costumes : Jérôme Ragon

L'Alpha Théâtre

 

 

 

 

 

 Un texte d'une grande qualité littéraire servi par des comédiens habités, dirigés de façon admirable par Tristan Le Doze.

 

 On se croirait revenu au XVIIIème siècle tant la magie opère. Le décor est réduit à l'essentiel. Les interprètes créent l'illusion. On se délecte du langage recherché qu'ils emploient et qui leur sied à ravir tant ils sont les personnages.

 

 Les spectateurs deviennent des témoins privilégiés des intrigues qui se trament dans le salon de Madame du Deffand, qui voit son influence décliner au profit de sa jeune parente, Julie de Lespinasse, fille illégitime de son frère, employée chez elle comme lectrice en raison d'une vue qui baisse de plus en plus, rabrouée de temps à autre et qui fondera par la suite l'un des trois salons les plus réputés de la capitale. Cette pièce est fondée sur des éléments historiques avérés, ce qui la rend encore plus intéressante.

 

 Les rapports de domination sont omniprésents entre les protagonistes mais sont aussi à l'œuvre quand il s'agit de promouvoir les beaux esprits qui viennent dans le salon, dont on entend parler dans l'antichambre exclusivement, lieu où se concentre l'action.

 

 On constate l'influence considérable des salons au Siècle des Lumières : ils contribuent à établir une réputation dans le monde des Lettres et des Sciences.

 

 Céline Yvon incarne Madame du Deffand avec beaucoup de majesté. Elle en impose à tous, du moins au début. Sa poigne, son opiniâtreté sont rendues avec finesse.

 

 Marguerite Mousset, qui interprète la juvénile Julie de Lespinasse, est pleine de fraîcheur et joue sa partition à merveille. Elle est d'un naturel confondant. Les chansons qu'elle entonne apportent beaucoup à la pièce et servent d'habiles transitions aux rapports qui évoluent au fil du temps. 

 

 La rivalité des deux femmes est rendue avec subtilité. La soumission de la plus jeune se mue en ambition. Les reparties de Julie de Lespinasse sont cinglantes et assez cruelles.

 

 Son ascension semble aller de soi, elle sait se faire apprécier des génies qui rendent visite à Madame du Deffand et a pour elle la beauté et la séduction, puis un allié de poids.

 

 Rémy Jouvin est un président Hénault exceptionnel, il donne un relief certain à celui-ci. Défenseur des intérêts de Madame du Deffand, il va évoluer de façon radicale. Le passage où il danse est un morceau de bravoure, ce personnage est drôle à son corps défendant.

 

 La pièce dont le rythme est assez lent au début, ce qui peut déconcerter une partie de l'auditoire, s'accélère brusquement et on prend un plaisir formidable à suivre le dénouement.

 

 Le temps qui passe n'épargne pas ceux qui rechignent à s'adapter à l'esprit de leur époque et il ne fait pas bon vieillir. Cette pièce nous en donne un exemple éloquent.

 

 

 

 

 Publié le 13 septembre 2023

Au théâtre du Ranelagh jusqu'au 14 janvier 2024