Les Moments doux 5/5

Pièce de théâtre d'Élise Chatauret et Thomas Pondevie en collaboration avec les interprètes
Écrit à partir d'entretiens avec des habitants de Sevran, Nancy, Fontenay-sous-Bois et Béthune
Mise en scène : Élise Chatauret
Dramatirgie : Thomas Pondevie


Avec François Clavier, Solenne Keravis, Samantha Le Bas, Manumatte, Julie Moulier et Charles Zévaco


Scénographie et assistanat à la mise en scène : Charles Chauvet
Costumes : Solène Fourt assistée de Marion Morvan
Création lumière : Léa Maris
Création sonore : Lucas Lelièvre
Régie générale : Jori Desq
Décor : Les ateliers de la comédie Saint-Étienne-CDN

Cie Babel

À partir de 14 ans

 

 

 Un texte d'une grande exigence, d'une grande subtilité, incarné par six comédiens qui transmettent des émotions d'une grande intensité.

 

 Au cœur du propos d'Élise Chatauret et Thomas Pondevie, la violence légitime ou non dans l'affaire des chemises arrachées, à Air France.

 

 La scène, qui a déclenché l'ire du Premier ministre de l'époque et qui fut condamnée de manière quasi unanime, sera reconstituée sur scène, et les propos de Manuel Valls, diffusés.

 

 Cependant, cette scène sera mise en perspective : le mécanisme qui mine les salariés et le plan social qui laisse sur le carreau 2900 employés ne seront pas passés sous silence.

 

 Seront aussi évoqués deux aspects fondamentaux : la responsabilité de l'école et celle du milieu familial. Nous sommes tous influencés considérablement par notre environnement, et les tensions dans le monde du travail peuvent être imputées à l'école ou à la famille.

 

 La force de la mise en scène est de nous montrer à quel point l'éducation est primordiale et façonne les êtres. Sur scène, quand les adultes travaillent, le décor de l'école et celui de la maison familiale sont présents.

 

 On se demande quelles valeurs on a inculqué aux adultes d'aujourd'hui et aussi ce qu'on n'a pas su leur apprendre. Car nous sommes face à la faillite d'un système où la violence est présente dès l'enfance.

 

 La pièce alterne les scènes dans les diverses sphères, où chacun réagit différemment mais où se dégagent peu à peu des vérités bonnes à dire et à montrer.

 

 Les bambins, incarnés par les comédiens dans une salle de classe, tiennent chacun un discours qui ne laisse pas indifférent et ils ont la chance d'avoir un professeur à l'écoute.

 

 Les auteurs font preuve de beaucoup d'humour et la parole n'est ni militante ni dogmatique mais suscite le questionnement.

 

 Pourtant, la certitude finit par remplacer le questionnement chez certains personnages : le cri du cœur de l'homme absurde, au sens où Albert Camus l'emploie, finit par résonner car l'homme se rend compte qu'il est privé d'espoir et, dans l'adversité, il choisit la révolte et la violence. Le comédien Manumatte livre une performance fantastique : son personnage refuse l'acrasie, le renoncement à ses valeurs et exprime son désarroi haut et fort dans une scène mémorable où il joue un DRH qui ne supporte plus qu'on malmène éhontément les salariés qui ont tant donné à leur entreprise.

 

 L'interprétation des comédiens est fascinante, ils sont tous formidables : ils forment une bien belle équipe et sont épatants dans chaque rôle : employé, parent, enfant.  Une distribution homogène d'un si haut niveau ne peut que réjouir l'auditoire.

 

 François Clavier, en enfant lunaire, est irrésistible à la fin.

 

 Le décor et les lumières mettent en valeur le jeu des interprètes.

 

 Le propos est dense et je ne veux pas trop en écrire pour ne pas gâcher le plaisir du spectateur. 

 

 La représentation m'a particulièrement ému vers la fin et j'étais encore très impliqué émotionnellement, de longues minutes après la représentation.

 

 Une pièce aussi bien construite, qui donne à réfléchir et qui émeut autant, vaut résolument le détour.

 

 

 

 

Publié le 18 octobre 2023.

Au Théâtre des Quartiers d'Ivry jusqu'au 20 octobre.

Photo : David Season