Darius 5♡♡♡♡♡♡♡/5

De Jean-Benoît Patricot
Mise en scène d'André Nerman
Avec Catherine Aymerie et François Cognard
Scénographie : Stéphanie Laurent
Création Lumière : Kosta Asmanis

 

 

 Mise en scène très sensible d'André Nerman. Quelle belle direction d'acteurs ! Tout est juste, ressenti, le spectateur est tenu en haleine et son attention est constante surtout pendant les silences. La pièce ressemble à une partie d'échecs, le choix des couleurs n'est pas indifférent. 

 

 Mais au centre de cette partie entre la mère et le créateur de senteurs, se trouve Darius, omniprésent, que l'on voit paradoxalement beaucoup plus que s'il était sur scène. André Nerman m'a fait remarquer à juste titre que c'était le personnage principal. C'est dire si le spectacle est réussi.

 

 Les comédiens sont habités et on y croit de bout en bout. On ressent beaucoup d'émotions parfois opposées tant l'incarnation est magistrale. Il y a vers la fin une charge émotionnelle telle, que j'ai eu besoin de rester encore un instant sur mon siège avant de sortir de la salle.

 

 Catherine Aymerie est très émouvante, elle a une présence extraordinaire. Son rôle est très difficile à jouer car elle joue sur plusieurs registres et passe par des états très différents, ce qui demande énormément de talent... mais Catherine Aymerie est tellement exceptionnelle qu'il y a une identité entre son personnage et elle. Si bien qu'à la toute fin je ne pouvais plus soutenir son regard, tant j'étais ému. Si les distinctions étaient fondées sur la qualité de l'interprétation, elle ne manquerait pas d'en avoir. Il faut absolument venir la voir sur scène. Elle est impressionnante.

 

 François Cognard incarne le créateur de parfum de façon magistrale. Certes, il a moins de ruptures à jouer mais il est tellement imprégné de son rôle qu'on est fasciné par son jeu. On guette ses moindres réactions, surtout au début, tant on est préoccupé du sort de Darius. Acceptera-t-il ou non de l'aider ? Le duo Catherine Aymerie-François Cognard fonctionne de façon admirable. 

 

 En écrivant ces lignes, j'ai encore un souvenir fugace  de Catherine Aymerie alors que j'ai vu la pièce il y a déjà trois jours, elle m'a beaucoup attendri mais elle m'a aussi beaucoup fait sourire, François Cognard également, l'un et l'autre m'ont même fait rire car cette pièce évite l'écueil du pathétique. C'est un drame qui se joue certes, mais le dramaturge et le metteur en scène ne s'interdisent pas le recours salvateur à l'humour, bien au contraire.

 

 La pièce est très profonde et aborde beaucoup de thèmes touchant à la philosophie. C'est une belle leçon de vie, qui m'a évoqué divers films : Charlie, Intelligence artificielle, l'Arbre de Noël mais aussi des poèmes comme Correspondances de Baudelaire : "Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants/ Doux comme les hautbois, verts comme les prairies", des réflexions comme Les Pensées de Pascal, celle où il évoque  la recherche de la solution d'une énigme plus importante que sa résolution.

 

 Mais plus que la pièce en elle-même, c'est la mise en scène virtuose qui fait tout l'intérêt de la représentation, il y aurait tellement de choses à dire, tant de trouvailles, on ne peut que louer le merveilleux travail d'André Nerman, qui nous montre l'étendue de son talent sans qu'on s'en aperçoive, car tout semble aller de soi. Je suis ravi d'avoir pu voir cette mise en scène si sensible. Je ne suis guère étonné qu'André Nerman ait mis en scène, quand il était plus jeune, le bouleversant mais méconnu Monsieur Fugue ou le mal de terre de Liliane Atlan, que j'invite chacun à lire.

 

 Ne manquez pas Darius, vous y penserez longtemps...

 

 

Publié le 20 novembre 2022.

Modifié le 22 novembre 2022.

À l'Essaïon.